On observe une regrettable tendance aux dérapages verbaux de certains internautes envers nos sages et imams. Certains expriment leur colère envers les autorités morales et religieuses, les accusant d’inaction ou d’indifférence face à la situation sociopolitique de la Guinée.
D’autres vont même jusqu’à les accuser de complaisance envers les autorités responsables des dérives autoritaires et de leurs conséquences.
Avant d’en appeler à la responsabilité et à la retenue de ceux qui persistent dans cette voie, j’aimerais apporter quelques précisions essentielles.
Le rôle d’ouverture et d’accueil de nos imams et sages :
Nos imams et sages ont pour vocation de recevoir tout le monde : pouvoir, opposition, société civile. Cette ouverture n’implique en aucun cas un soutien direct à un projet politique ou aux agissements des personnes et entités qu’ils accueillent. Il est d’ailleurs de coutume, dans toutes les régions de la Guinée, qu’un visiteur, qu’il s’agisse d’une autorité, d’un responsable politique ou d’un acteur de la société civile, rende visite aux autorités morales et religieuses de la localité.
À titre d’exemple, Elhadj Badrou a toujours ouvert ses portes aux leaders du FNDC que nous sommes, ainsi qu’à tout visiteur à Labé, sans distinction politique ou sociale.
Des interventions souvent discrètes mais efficaces :
Toutes les prises de position et interventions de nos imams et sages, qu’elles soient adressées aux autorités du pays ou qu’elles concernent les voies de sortie de crise, ne sont pas toujours publiques. Bien souvent, elles se font officieusement, avec la manière, directement auprès des personnes concernées.
Je peux en témoigner personnellement. Lorsque j’étais en prison avec mes camarades en 2023, j’ai échangé avec le coordinateur de Halpoular, qui m’a proposé son intervention auprès de la junte pour notre libération. Je l’ai remercié à l’époque, lui expliquant avec politesse et tact que je souhaitais sortir de prison par la voie judiciaire, ce qui était essentiel pour moi, mon combat et mon avenir. Je lui ai alors suggéré d’aider mon jeune frère Guido Fulfé dans ce sens.
Il convient de noter qu’ils ne disposent d’aucun moyen de coercition sur les autorités sociopolitiques en cas de refus de leurs recommandations de sortie de crise.
Adoptons une approche respectueuse et constructive :
Nous devons comprendre et intégrer le rôle de nos autorités morales et religieuses, et nous inscrire dans une logique de dialogue et d’interpellation respectueuse et pleine de considération.
En tant que citoyens soucieux de la stabilité de notre pays, nous pouvons solliciter leur implication dans la résolution des crises en Guinée, en adoptant toujours une démarche appropriée. Souvent, les meilleures résolutions et actions naissent dans l’ombre, loin des projecteurs.
J’en appelle à la sagesse et à la compréhension de chacun quant au rôle de nos autorités religieuses et morales. Si nous avons des critiques à leur égard, transformons-les en interpellations constructives. Allons à leur rencontre pour dialoguer avec eux et leur soumettre nos préoccupations.
Les leaders du FNDC ont été parmi les nombreuses victimes directes des dérives autoritaires du pouvoir ces dernières années. pourtant, nous nous sommes toujours abstenus de faire porter cette responsabilité aux leaders religieux et communautaires. Nous sommes toujours allés à leur rencontre pour discuter avec eux, leur faire des recommandations et solliciter leur implication dans la résolution des crises.
Nos imams et sages ne mèneront pas notre combat à notre place :
Il ne faut pas laisser le désespoir nous faire croire qu’il incombe à nos autorités morales et religieuses de mener notre combat à notre place. Notre lutte est la nôtre.
Concentrons-nous sur notre combat et ne nous trompons pas de cible.
Ibrahima Diallo
Abonnez-vous à notre chaine
Si aujourd’hui, la société civile choisit de rédiger des pancartes pour dénoncer les dérives autoritaires, les sages de Labé, en lien avec le projet de nouvelle constitution, accepteront-ils de les prendre en considération et de les présenter au monde, comme ils l’ont fait avec ce projet de constitution ? J’éprouve de sérieux doutes quant à leur volonté d’accepter cela. Par ailleurs, il est à noter que le grand Ibrahima Diallo a démissionné sans l’annoncer officiellement.Nous n’avons pas demandé aux sages et imams de ne pas accueillir les fils et filles de notre pays, mais nous avons néanmoins souhaité qu’ils évitent de soutenir publiquement une partie tout en négligeant l’autre. Il est possible que cette constitution leur soit chère, mais il convenait que leur soutien se manifeste de manière officieuse et non sur la place publique. L’action de ces sages à Labé témoigne d’un parti pris assumé. Quiconque refuse de l’admettre se dérobe ainsi à l’engagement politique et à la défense des droits de l’homme en Guinée.