Chrysoula Zacharopoulou, membre du gouvernement franรงais, a rencontrรฉ mardi ร Ouagadougou le prรฉsident de transition du Burkina Faso Ibrahim Traorรฉ pour dรฉcrisper les relations avec ce pays en proie aux violences djihadistes, affirmant que “la France n’impose rien”.
La secrรฉtaire d’Etat auprรจs de la ministre franรงaise des Affaires รฉtrangรจres, chargรฉe notamment du dรฉveloppement, a rencontrรฉ pendant prรจs de deux heures le capitaine Traorรฉ, arrivรฉ au pouvoir ร la faveur d’un coup d’Etat fin septembre.
“La France n’impose rien, elle est disponible pour inventer un avenir ensemble”, a-t-elle dรฉclarรฉ ร l’issue de cet entretien. “Je ne suis venue ici influencer aucun choix ni aucune dรฉcision, personne ne peut dicter ses choix au Burkina” et “nous sommes convenus avec le prรฉsident Traorรฉ d’avancer ensemble dans cet รฉtat d’esprit”.
“En cohรฉrence avec ce message, la France reste engagรฉe sur tous les plans (humanitaire, sรฉcuritaire, dรฉveloppement), au degrรฉ et dans les formes que souhaiteront les autoritรฉs burkinabรจ”, a affirmรฉ Mme Zacharopoulou.
la France tente l'apaisement diplomatique https://t.co/YVP1ExVPtF
— Guinรฉesouverain.com (@GuineeSouverain) January 11, 2023
Selon elle, “la France est en mesure de faire moins ou de faire plus, elle est aussi et surtout capable de faire diffรฉremment, dans l’รฉcoute, le respect, l’humilitรฉ, car (โฆ) c’est une attente qui est exprimรฉe, avec force ici”.
Cette visite intervient au moment oรน la France, ex-puissance coloniale est contestรฉe au Burkina Faso et alors que la question d’un rapprochement avec la Russie se pose dans ce pays dรฉstabilisรฉ par les violences jihadistes depuis 2015.
La semaine derniรจre, le ministรจre franรงais des Affaires Etrangรจres a confirmรฉ avoir reรงu une lettre de la junte burkinabรจ demandant le remplacement de l’ambassadeur de France au Burkina Faso, Luc Hallade.
Le diplomate, en poste depuis septembre 2019, est dans le collimateur des autoritรฉs aprรจs avoir fait รฉtat de la dรฉgradation de la situation sรฉcuritaire au Burkina.
“Les autoritรฉs ont demandรฉ de nouvelles voix, de nouveaux visages. Nous sommes convenus de traiter de sujet en bonne entente et dans la forme diplomatique”, a commentรฉ mardi Mme Zacharopoulou.
En octobre, plusieurs centaines de personnes avaient manifestรฉ pour exiger le retrait de la France de ce pays sahรฉlien, qui hรฉberge un contingent de prรจs de 400 forces spรฉciales franรงaises.
Puis, le 18 novembre, une autre manifestation contre la prรฉsence franรงaise s’รฉtait dรฉroulรฉe devant l’ambassade de France ร Ouagadougou avant de se dรฉplacer vers la base militaire de Kamboisin, en pรฉriphรฉrie de la capitale, oรน sont stationnรฉes les forces spรฉciales de l’opรฉration Sabre, chargรฉes de traquer les chefs djihadistes au Sahel.
“Etre souverains”
Le ministre franรงais des Armรฉes, Sรฉbastien Lecornu, n’avait pas รฉcartรฉ un dรฉpart du pays de ces forces, tout en rappelant que “Sabre a eu un rรดle clรฉ ces derniรจres annรฉes dans la lutte contre le terrorisme au Sahel”.
Cette prioritรฉ stratรฉgique depuis prรจs d’une dรฉcennie pour Paris, qui a dรฉployรฉ des milliers de militaires dans la rรฉgion dans plusieurs opรฉrations, est dรฉsormais confrontรฉe ร une hostilitรฉ croissante dans certains pays.
Ces derniers mois, Paris n’a cessรฉ de rรฉpรฉter que la France รฉtait disposรฉe ร poursuivre le partenariat avec Ouagadougou, en particulier dans le domaine militaire, ร condition que ce partenariat soit souhaitรฉ par les Burkinabรจ.
Une condition clรฉ pour le maintien ou non des forces spรฉciales, installรฉes depuis 2011. “Rien n’est actรฉ” ร ce jour, a-t-on indiquรฉ mardi au cabinet du ministรจre des Armรฉes.
Le prรฉcรฉdent malien est d’ailleurs dans toutes les tรชtes. Aprรจs neuf ans de lutte antidjihadiste, les militaires de l’ancienne puissance coloniale ont quittรฉ le pays l’รฉtรฉ dernier, poussรฉs dehors par une junte hostile qui a fait appel aux Russes, via la sulfureuse sociรฉtรฉ paramilitaire Wagner.
Interrogรฉe sur un รฉventuel appel des autoritรฉs de Ouagadougou ร Wagner, Mme Zacharopoulou n’a pas souhaitรฉ “commenter des hypothรจses ni parler ร la place des autoritรฉs burkinabรจ”. “Je dis simplement que chaque choix a ses consรฉquences”, a-t-elle dรฉclarรฉ.
La France, qui compte encore quelque 3 000 militaires au Sahel, aprรจs avoir mobilisรฉ jusqu’ร 5 500 hommes, a officiellement mis fin en novembre ร son opรฉration antidjihadiste Barkhane, et s’est donnรฉ jusqu’au printemps pour finaliser sa nouvelle stratรฉgie en Afrique.
“Sur le plan international, nous n’avons forcรฉment pas le mรชme point de vue que tout le monde, mais nous avons dรฉcidรฉ aussi d’รชtre souverains”, a dรฉclarรฉ le 5 janvier le capitaine Traorรฉ.
Le Burkina semble de plus en plus rรฉticent ร faire appel ร l’aide militaire franรงaise.
“La derniรจre sollicitation (des autoritรฉs burkinabรจ) remonte ร juillet 2022”, rappelle l’รฉtat-major franรงais. Soit avant le coup d’Etat qui a renversรฉ le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, lui-mรชme arrivรฉ par la force au pouvoir en janvier 2022 en renversant le prรฉsident รฉlu Roch Marc Christian Kaborรฉ.
AFP