Comment ramener la troïka autour de la table? Dr Sékou Koureissy Condé fait des propositions à la junte

CONAKRY-La Guinée est à la croisée des chemins depuis la prise du pouvoir par le Comité de Rassemblement pour le développement (CNRD) le 05 septembre 2021. Colonel Mamadi Doumbouya qui a les rênes du pays a entrepris plusieurs actions. Dialogue, réconciliation…le tout inscrit sur le sceau de la refondation, les chantiers sont nombreux.

Quinze mois après l’arrivée de la junte au Pouvoir, quel regard faut-il dresser de la conduite de la transition ? Comment renouer le fil du dialogue entre les autorités de la transition et le trio « UFDG, RPG ARC EN CIEL, FNDC POLITIQUE » ? Au micro d’Africaguinee.com, Dr Sékou Koureissy Condé livre son analyse.

Le président de l’Alliance pour le Renouveau National (ARENA) et fondateur de African Crisis Group, propose des pistes de solution. Dans la première partie d’une longue interview qu’il a accordé ce mardi 24 janvier 2023 à votre quotidien en ligne dans nos locaux, l’ancien médiateur de la République parle sans détours.

Quinze mois après l’arrivée de Mamadi Doumbouya au Pouvoir, quel regard portez-vous l’évolution de la transition en Guinée ?

DR SÉKOU KOUREISSY CONDÉ : En tant qu’acteur politique, citoyen attaché à l’entente, à l’unité nationale et la paix, je souhaite que cette transition ait un dénouement heureux, un aboutissement apaisé. Mais je constate deux choses :

Premièrement, la prise du pouvoir par le CNRD (comité national du rassemblement pour le développement) était fondée et basée sur des constats partagés, vu que le régime précédent avait montré beaucoup de limites, de faiblesses. Les relations entre les communautés, dans le traitement des questions d’Etat, on sentait l’essoufflement, aussi bien au plan politique que du traitement de l’adversité. Donc, à l’avènement du CNRD, toute la classe politique et toutes les organisations de la société civile, toutes les populations ont dit d’accord, on tourne la page et on passe à autre chose.

Quinze (15) mois après, quelles sont les questions qu’on se pose ? Les intentions sont là, les décisions sont là, mais il manque le dialogue inclusif. La réconciliation ne semble pas être le chantier principal. Le dialogue et la réconciliation, voilà deux chantiers qui sont liés par l’évolution de la société guinéenne et sur lesquels il va falloir se pencher profondément.

La troisième chose c’est le régime. Dans quelle société sommes-nous ? Quelle société voulons-nous ? Moi je considère que de l’indépendance à nos jours, les pays africains francophones ont tous épousé et adopté les régimes présidentiels. Le régime présidentiel est un régime fort et unique, détenu par une seule personne qui fait et défait les hommes et les lois, qui oriente et exerce la plénitude du pouvoir. Donc, les séparations des pouvoirs dont il est question ne s’exerce pas véritablement. Ainsi, le développement n’a pas lieu, les libertés en question ne sont pas consacrées. Il faut corriger ça. Pourquoi ?

Lorsque le président Mamadi Doumbouya, dans sa première déclaration a annoncé la refondation de l’Etat, il a promis de doter de la Guinée d’une nouvelle Constitution qui soit en phase avec sa sociologie, j’ai souhaité qu’il soit le De-Gaulle de la Guinée. Parce que les deux points là m’intéressent intellectuellement. Depuis 20 ans, je questionne les sociétés africaines, mais il n’y a pas de pays africains développés. Ce n’est pas possible. Donc, le problème ce ne sont pas les hommes mais les systèmes. Il faut le changer le système. Aujourd’hui, je suis très inquiet, très préoccupé par le fait que je vois revenir le régime présidentiel.

Vous avez vu des prémisses ?

Les cadres de concertation, les travaux du CNT (conseil national de la transition) tout tourne autour d’un régime présidentiel reconduit. Cela m’inquiète. C’est mon appel, c’est ma préoccupation principale. En 2010, en tant président de l’ARENA, lorsque j’étais secrétaire général du CNT, j’ai reposé le problème, changeons le régime, il faut aller à un régime parlementaire révisé et adopté. C’est possible.

De quel type de régime parlementaire parlez-vous précisément ?

Le pouvoir africain est parlementaire. Lorsque vous allez dans le Fouta, en Guinée Forestière, en Haute Guinée ou en Basse Côte, le Chef de village n’est pas le porte-parole. Les conseillers du village ont leur mot à dire, il y a des critères de désignation pour être dans la case des sages. Le pouvoir est exercé, le rôle des jeunes ou des femmes est connu, le chef n’est qu’un symbole. En fait, il n’exerce pas le pouvoir, il a une autorité morale. C’est ça le régime parlementaire, l’enjeu c’est le premier ministre. Donc, tout le combat politique, la compétition électorale, se mène pour élire un premier ministre qui est le chef de l’exécutif. Ce n’est pas le président qui nomme le premier ministre et les autres.

C’est le ministre et son gouvernement. A partir de ce moment-là, la société est apaisée. Le président de la République devient un arbitre incontestable et incontournable. Son autorité consistera à suivre la constitutionnalité des lois. C’est un arbitre. C’est très proche des pays africains. Aujourd’hui, les présidents qui se sont suivis, tous ces accords, miniers et autres, les désignations, les routes… tout est au niveau d’une seule instance. Je demande vivement que cela soit changé.

D’un côté de mon constat, il faut revoir la feuille du dialogue, il faut qu’il soit véritablement inclusif. Deuxièmement, il faut mettre la réconciliation au centre du débat. Certains pensent qu’on n’en a pas besoin. Mais quand je prends l’histoire de la Guinée, la violence d’Etat, jusqu’à une date récente, fait qu’il faut en parler. La troisième solution, il faut carrément aller au débat sur le changement de régime, la nature du régime. De mon point de vue, la transition est faite pour ça.

Parlant du dialogue selon vous comment sortir de l’imbroglio actuel ?

Il y a deux choses : premièrement, je vous ai dit que la prise du pouvoir est justifiée. Mais ce n’est pas ça la question. C’est l’exercice de son pouvoir qui est discuté. Donc, ce sont deux choses complétement différentes. Il n’y a pas de mauvaise de foi derrière. C’est une lourde responsabilité que je prends en disant que cette prise du pouvoir était justifiée. Cependant, dans l’exercice du pouvoir, économique, social et politique, surtout le volet politique, tu ne peux pas te taire.

Vouloir un dialogue politique et constater l’absence de l’UFDG, du RPG et autres, et dire que c’est le dialogue, non, ce n’est pas comme ça. Je suis président d’un parti politique, j’aurais pu dire, ‘’ ils n’ont qu’à partir, nous autres allons-nous débrouiller’’. C’est une question de conscience politique. Je dis qu’on peut faire mieux. Je me suis même dit porteur, volontaire pour résoudre cette équation. Je vais parler à l’UFDG, au RPG arc en ciel et l’UFR, si le CNRD le permet. Qu’on m’écoute, je propose que les partis politiques qui n’ont pas participé au cadre de concertation de décembre puissent désigner trois négociateurs, qu’on sorte des dix points de préalables et qu’on désigne ces trois. Ensuite, que ceux-ci discutent avec les institutions représentatives de la transition pour nous permettre d’aborder les questions clés. Que la CEDEAO nous soutienne ou pas, la réalité est que le dialogue actuel n’est pas véritablement inclusif. Donnons-nous les moyens de le rendre inclusif. C’est possible. Moi je parle à tout le monde et je pense que c’est faisable.

On voit l’impasse perdure. Quelle solution préconisez-vous ?

La première solution, il faut que la classe politique évolue de façon unique. Ensuite, que les partis politiques qui n’ont pas assisté au cadre du dialogue accepte de désigner trois négociateurs surtout. C’est très important. Ces trois peuvent parler avec le CNRD et avec les institutions. Cela me parait aujourd’hui une étape importante. Déjà, ceux qui ne sont pas là vont se sentir concernés. A partir de ce moment-là, toutes les questions juridiques ou judiciaires économiques et personnelles seront abordées. Ce n’est pas une condition, c’est le format. Il faut qu’on accepte le principe de négociation. Tous ceux qui disent qu’on peut aller sans eux, ça c’est l’épreuve de force. Les gens peuvent parler pour faire plaisir au pouvoir, mais, essayons de nous entendre. Je pense que la première étape n’est pas du côté du CNRD, mais c’est avec son aval.

Est-ce que vous avez engagé des démarches dans ce sens ?

Je ne fais que ça. Mais c’est difficile en Guinée, dès que tu le dis, certains pensent que tu as un intérêt derrière. Ça n’a rien à voir. C’est une proposition de sortie crise. Aujourd’hui, je considère que le RPG, l’UFDG, l’UFR, peuvent trouver deux ou trois personnes qui vont parler en leur nom avec les autorités. Je suis prêt à en parler, que ce soit avec le premier ministre, ou avec mes collègues politiques. Si cela est accepté de part et d’autre, ça va être un tournant important. Le jour où les partis politiques qui n’ont participé aux négociations désigneront deux personnes pour leur dire d’aller négocier, toutes les autres questions relèveront de cette atmosphère.

Pensez que le trio sera à votre écoute avec cette proposition ?

C’est une question de capitale de confiance. Je ne suis pas le plus âgé des leaders politiques, mais point de vue ancienneté, je suis le plus ancien leader politique. Je suis indépendant intellectuellement et moralement. Je ne me suis jamais privé de parler avec les différentes parties. Je veux que les Guinéens s’entendent. C’est incroyable ce que nous avons comme richesse humaine. Donc, du côté des partis politiques, il y a une seule chose que je déplore, il faudrait que la classe politique guinéenne fasse sa révolution. On n’est pas un leader contre un autre. On n’est pas leader parce qu’on est riche, ça n’a rien à voir, c’est une question de conviction. La classe politique souffre de cette division inutile mais profonde. Et ça, c’est individuel et personnel. C’est vraiment dommage.

C’est une question d’autorité nationale, de survie. Quel sera la Guinée dans 50 ans ? Donc, du côté des partis politiques, je n’ai pas de problème. Je vais essayer de rencontrer le premier ministre pour lui proposer ce schéma. Lui demander qu’il m’autorise à rencontrer les autres. Parce que je ne veux pas qu’il me dise cette histoire de quatuor nous on en déjà tourné la page. Donc, c’est une manifestation d’intention. Je me porte volontaire pour porter la désignation de deux négociateurs du côté des partis politiques qui n’ont participé au cadre du dialogue. Si les autorités l’acceptent ce serait un pas, parce que le facilitateur n’est pas le médiateur. Je ne serai qu’un facilitateur.

Ne craignez-vous pas d’être traité comme celui-là qui veut couper l’herbe aux trois facilitatrices déjà nommées ?

Non, c’est un renforcement. Je commence là où elles se sont arrêtées et elles vont continuer. Elles ont déjà l’intention de continuer. On aurait pu dès le début, en les désignant, demander aux autres aussi de désigner quelqu’un parce que ce sont deux parties. On ne peut pas ignorer la réalité sociopolitique guinéenne. Donc, je le ferai de bonne foi, avec de la bonne volonté en considérant premièrement que la classe politique doit faire sa mue en acceptant de parler un même langage.

Deuxièmement, le cadre de concertation aurait gagné véritablement si on accepte, si eux les partis politiques concernés acceptent de désigner deux négociateurs ou trois pour aborder, discuter avec les autorités et les institutions de la transition. C’est très guinéen. La CEDEAO, l’Union Africaine viendront après. Cela peut être conduit par n’importe quel guinéen. Cette neutralité, chaque guinéen se sentirait honoré de dire, ‘’va parler à tel’’. Qu’on n’attende pas que les ambassadeurs viennent, il y a des personnes ressources en Guinée.

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5 commentaires

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