À Conakry, il suffit d’un coup de vent pour que les tas d’ordures se transforment en tempête d’odeurs. A chaque commune suffit sa senteur.
Depuis des décennies, la capitale vit au rythme des déchets qui débordent de partout : carrefours, plages, marchés, cours d’école. L’insalubrité est devenue le décor ordinaire, presque banalisé, d’une ville pourtant jeune, vibrante, et pleine de promesses.
Vendredi 26 septembre 2025, tard dans la soirée, un souffle nouveau a semblé traverser la grande ville. Le Gouvernorat a reçu un lot d’équipements flambant neufs : dix camions bennes et dix tractopelles pour renforcer la lutte contre l’insalubrité. Les autorités y voient une étape décisive, un signal fort, surtout à la veille du 2 octobre, jour anniversaire de l’indépendance de la République.
Comme un symbole : nettoyer la capitale pour la rendre digne de son histoire. Cette « perle d’Afrique » pour les nostalgiques.
Cela a valu toute une cérémonie. Les ministres présents n’ont pas manqué de souligner l’importance de ce geste, inscrit dans le Programme Simandou 2040, parce que oui, c’est devenu le branding à porter désormais partout. Santé, bien-être, développement durable : les mots sont beaux, ambitieux, porteurs d’avenir. Mais en Guinée, on le sait, les camions ne suffisent pas. L’assainissement n’est pas qu’une affaire de machines, c’est une affaire de volonté, de rigueur, et surtout de citoyenneté.
Car les poubelles de Conakry ne viennent pas du ciel. Elles viennent de nos foyers, de nos mains, de nos habitudes. Elles viennent aussi de l’absence d’un système efficace de collecte, de suivi et de discipline. Si les camions ne roulent pas régulièrement, si les dépotoirs restent anarchiques, si les citoyens continuent de jeter des ordures dans les caniveaux, la belle promesse retombera vite en poussière… et en immondices.
Pourtant, l’occasion est là. La dotation d’équipements peut être un déclic. Les autorités locales, emmenées par la Gouverneure Mahawa Sylla, se disent prêtes à relever le défi, à redonner à Conakry l’image d’une capitale moderne, propre et attractive. Il faudra les croire, mais encore, pour mener à bien ce train, il faut plus de surveillance. Car chaque promesse non tenue finit par renforcer le cynisme des citoyens, déjà lassés de voir leurs rues se transformer en décharges à ciel ouvert.
L’histoire jugera. Si ces camions et tractopelles deviennent les symboles d’un changement durable, Conakry pourra enfin respirer. Sinon, ils ne seront que des trophées de plus dans la longue bataille jamais gagnée contre les ordures.
En attendant, l’espoir est garé quelque part dans un dépôt municipal, moteur éteint.
