La presse en ligne guinรฉenne connaรฎt une profonde mutation depuis quelques annรฉe.
Entre lโimpรฉratif de visibilitรฉ, la course aux clics et lโutilisation grandissante de lโintelligence artificielle (IA), le paysage mรฉdiatique est en train de changer de visage. Et cela depuis un moment. Bien que cette รฉvolution apporte des gains en efficacitรฉ et en productivitรฉ, mais soulรจve nรฉanmoins des questions รฉthiques, notamment sur le rรดle du titre dans le traitement de l’information.
Aujourdโhui, les titres incitatifs ou disons “putaclics” semblent avoir pris le pas sur les titres informatifs, parfois mรชme au dรฉtriment de la vรฉracitรฉ et de la rigueur journalistique. Ce phรฉnomรจne est accentuรฉ par lโรฉmergence dโoutils dโIA gรฉnรฉrant automatiquement des contenus.
Ce qui ne semble pas mal tout de mรชme.
Mais s’agit-il rรฉellement d’un rรจgne du clic ร tout prix ? Poussons un peu notre analyse !
Dans la jungle de lโinformation en ligne, lโattention du lecteur est devenue une monnaie prรฉcieuse. Ouvrir l’article ร tout prix !
Pour attirer des audiences volatiles, certains mรฉdias nโhรฉsitent plus ร user, voire abuser, de titres sensationnalistes. Des exemples rรฉcents peuvent nous guider :
Sur un site dโactualitรฉ bien connu dans le monde mรฉdiatique guinรฉen, on pouvait lire rรฉcemment : ยซ Il fait une dรฉcouverte qui va changer la Guinรฉe ยป, alors qu’en rรฉalitรฉ, il sโagissait simplement dโun jeune entrepreneur lanรงant une nouvelle application mobile.
Un autre exemple ? D’accord !
Prenons cet autre titre sur une plateforme populaire qui n’a pas hรฉsitรฉ de titrer un article comme suit: ยซ Alpha Condรฉ revient en force, ce que personne nโavait vu venir ! ยป. L’article en question รฉvoquait juste en rรฉalitรฉ, un simple message de l’ancien prรฉsident guinรฉen, publiรฉ sur Facebook.
Dans ces deux cas, le titre promet plus quโil ne livre. N’est-ce pas ? Lโobjectif est simple avec ce genre de titres : faire cliquer ร tout prix, quitte ร dรฉcevoir le lecteur ou ร flirter avec la dรฉsinformation.
Posons-nous une simple question avant d’aller plus loin. Lโintelligence artificielle est-ce une facilitatrice ou amplificatrice du racolage ?
LโIA est dรฉsormais utilisรฉe dans certains mรฉdias guinรฉens, comme partout d’ailleurs, notamment pour gรฉnรฉrer des rรฉsumรฉs, proposer des mots-clรฉs ou mรชme suggรฉrer des titres. Nous en rencontrons en longueur de journรฉe. Si ces outils peuvent renforcer la productivitรฉ, ils peuvent aussi encourager une standardisation du contenu et une surenchรจre des formules aguicheuses.
Le problรจme nโest pas lโoutil en soi. Mais lโusage que lโon en fait : certains rรฉdacteurs, sous pression peut-รชtre des statistiques de trafic, prรฉfรจrent suivre les suggestions racoleuses gรฉnรฉrรฉes par lโalgorithme plutรดt que de faire primer l’exactitude. Hรฉlas !
Un titre racoleur masque souvent un contenu vide ou approximatif. Le risque ? รa entraรฎne une perte de confiance du public. Surtout les lecteurs exigeants.
J’estime qu’il est nรฉcessaire, voire urgent de repenser lโusage des outils numรฉriques dans la rรฉdaction des titres. Lโintelligence artificielle ne doit pas รชtre une excuse pour dรฉresponsabiliser les journalistes ou les รฉditeurs. Bien utilisรฉe, elle peut aider ร amรฉliorer la clartรฉ, la concision ou la lisibilitรฉ des titres, bien entendu. Vous l’utilisez mal, elle devient votre complice de mensonge ou de manipulation.
La solution nโest pas de rejeter lโIA non plus, mais dโen faire un levier au service de lโรฉthique journalistique, en lโencadrant: savoir comment et quand faut-il lui faire appel.
Le journalisme guinรฉen, dans sa version numรฉrique, est ร un tournant. Entre course au clic et exigence de vรฉritรฉ, les rรฉdactions doivent choisir leur camp. Dans une รฉpoque oรน les machines peuvent rรฉdiger, classer, mรชme diffuserโฆ il revient donc plus que jamais aux journalistes “humains” de poser les bonnes questions, choisir les bons mots, et รฉcrire avec conscience. Car, au-delร du clic que vous cherchez ร tout prix, c’est la crรฉdibilitรฉ de votre mรฉdia et la santรฉ de vos lecteurs (public) qui sont en jeu.