Les dernières nouvelles
Alseny Sall

Notre responsabilité citoyenne dans la marche de la République (Par Alseny Sall)

Dans tous les États modernes et sérieux qui aspirent à un développement durable, l’élite intellectuelle joue un rôle moteur dans le relèvement du niveau du débat citoyen.

À ce titre, elle participe de manière responsable et rigoureuse au débat public portant sur la gestion des affaires de l’État pour non seulement éclairer le peuple, unique détenteur de la souveraineté, sur les défis de la gouvernance mais aussi pour renforcer l’éducation du peuple dans la défense des valeurs et principes qui incarnent la république.

Ce rappel est extrêmement important dans la mesure où le droit de participation de chaque citoyen.ne de la république à la direction des affaires publiques de l’État soit directement ou indirectement par le biais des représentants librement choisi a été érigé en norme internationale, promu et protégé notamment par l’article 25 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966 dont notre pays, la république de Guinée est partie, mais aussi par l’essentielle des Constitutions ou lois suprêmes des États membres de l’ONU.

À cela, il faut ajouter également que la quasi-totalité des Constitutions des États modernes consacrent la forme républicaine de l’État. Or, le mot « république » vient du latin « res publica » qui signifie « chose publique ». Cette dernière renvoie à l’intérêt général. En d’autres termes, la république est un système politique où le pouvoir est détenu par le peuple et non un individu ou un groupe d’individus. À ce titre, ceux qui exercent les pouvoirs publics le font par délégation du peuple afin de servir l’intérêt général, gage du contrat social entre gouvernants et gouvernés.

En Guinée, l’essentiel de l’élite intellectuelle censée contribuer au relèvement du niveau du débat public a décidé tout simplement de trahir sa vocation en décidant de courber l’échine devant les forces de défense et de sécurité en contrepartie de quelques privilèges. Ensemble, au fil des régimes politiques, ils forment une petite oligarchie au détriment de la majorité du peuple qui continue à tirer le diable par la queue, et ce en dépit des potentialités agricoles, minières et énergétiques dont dispose le pays pour devenir un géant en Afrique en termes de développement. Ce n’est pas donc très surprenant de voir cette course contre la montre pour les décrets y compris par des personnes qui, par le passé, ont joué un rôle de premier plan dans le combat pour l’instauration de l’État de droit, de la démocratie et la bonne gouvernance.En effet, marginalisé et dévalorisé au profit de la milice du parti-État pendant la Première République, depuis le 3 avril 1984, les forces de défense et de sécurité, qui dans une république n’ont pas la vocation de gouverner, se sont emparées du pouvoir et ont crescendo pris son goût et ses privilèges. Et comme l’appétit vient en mangeant, depuis, elles ne veulent plus le quitter !

Fort malheureusement, cette mainmise et perpétuation des forces de défense et de sécurité sur la gestion du pouvoir politique, alors qu’elles n’en ont ni la vocation ni les compétences, a été encouragée et entretenue par une certaine élite civile guinéenne avec qui ils continuent à former une petite oligarchie. Sinon les témoins des discours de ferveurs de prise de pouvoir prononcé dans des contextes difficiles pour le peuple martyr de Guinée, respectivement par le Colonel Lansana CONTÉ, le 03 avril 1984, Capitaine Moussa Dadis CAMARA, le 23 décembre 2008 ainsi que le Colonel Mamadi DOUMBOUYA le 05 septembre 2021 sont encore là !

Mais hélas, nous savons tous par la suite que l’espoir n’a été que de courte durée quant au respect de la parole du soldat donnée au peuple ! Et, les mêmes causes produisant toujours les mêmes effets, l’histoire se perpétue et la bêtise continue, au grand dam du peuple de Guinée qui a déjà payé un lourd tribu dans le combat pour la liberté et la dignité humaine.

Avec le recul, cette partie de l’élite civile guinéenne qui continue à encourager cette pratique devrait se poser la question de savoir, pourquoi c’est toujours l’élite intellectuelle civile qui est toujours jeté en pâture et traquée après chaque changement de régime comme étant seule responsable de la gouvernance catastrophique du régime déchu pendant que les responsables militaires et sécuritaires sur qui s’appuyait justement ce régime pour réprimer et opprimer le peuple continuent à renforcer leurs positions et privilèges au sein de l’appareil d’État ?

À ce niveau d’ailleurs, sans vouloir jeter de l’anathème sur qui que ce soit, les exemples sont légion dans notre pays ! Il suffit juste d’ouvrir les yeux et d’avoir le bon sens sur ceux qui nous gouvernent actuellement. Mais, comme on a l’impression que les gens ont la mémoire courte dans ce pays, que personne ne vienne demain nous dire alors qu’il ne savait pas si la situation changeait !

La récente tribune de Me Antoine Pépé LAMAH intitulée « L’avocat guinéen, entre gladiateur de la république et bouc émissaire du cirque politique » est un rappel important à ce sujet.Comme déjà indiqué dans une tribune récente, dans tous les États-nations modernes que nous connaissons, la vocation principale de la classe politique est de conquérir et d’exercer le pouvoir par la sollicitation des suffrages du peuple, unique souverain. Et non d’aliéner cette prérogative aux forces de défense et de sécurité dont la vocation est tout autre dans une république. La classe politique doit savoir également qu’il est plus que nécessaire aujourd’hui de mettre l’accent sur la mise en place des institutions républicaines fortes et durables, centrées sur une administration qui répond aux exigences des principes et valeurs républicains plutôt que d’encourager l’instauration d’une gestion patrimoniale de la république où tout est fait par et pour le Prince.

À cet effet, en tant que citoyen il est de notre rôle d’exiger la mise en place d’une administration dont les agents sont au service de l’intérêt général du peuple et non au service d’un individu ou un d’un groupe d’individus ; une administration où le mérite et la compétence sont les fils conducteurs en lieu place les allégeances et les éloges au Prince ; une administration où le principe d’égalité des citoyen.nes devant la Loi n’est pas un simple slogan mais une réalité ; une administration où ni l’appartenance ethnique, politique ou religieuse ne peuvent être considérées comme un avantage ou désavantage pour chaque citoyen de jouir son droit de participation à la gestion des affaires publiques de l’État ; une administration où les moyens et ressources de l’État sont au service du peuple et non d’un individu ou un groupe individu.

Pour terminer, comme le disait l’éminent magistrat, Kéléfa SALL, la conduite de la Nation doit nous réunir autour de l’essentiel. Et, pour paraphraser un autre, le pays attend de nous de la grandeur. Car, il est de la responsabilité de chaque guinén.ne que nous sommes de contribuer au relèvement du niveau débat citoyen.ne pour que vivent la liberté et la république auxquelles nous aspirons tous.

Alseny SALL, militant des droits humains

Add your comment

Avis, témoignages et commentaires sont les bienvenues. Cette page est pour vous.
Nous vous prions d'être courtois.
N'envoyez pas de message ayant un ton agressif ou insultant.
Pas de messages répétitifs, ou de hors sujets.
Attaques personnelles. Vous pouvez critiquer une idée, mais pas d'attaques personnelles SVP. Ceci inclut tout message à contenu diffamatoire, vulgaire, violent, ne respectant pas la vie privée, sexuel ou en violation avec la loi. Ces messages seront supprimés.
Pas de publicité. Ce forum n'est pas un espace publicitaire gratuit.
Pas de majuscules. Tout message inscrit entièrement en majuscule sera supprimé.

Auteur

×