Ce mercredi 22 octobre, une opération de déguerpissement menée par le ministère de l’Habitat, via la Direction nationale de l’Aménagement du Territoire et de l’Urbanisme (DATU), a bouleversé le quotidien de nombreux citoyens à la plage Russia, dans la commune urbaine de Gbessia.
Officiellement, l’initiative vise à désengorger les encombrants physiques qui dégradent l’environnement. Mais sur le terrain, les témoignages des victimes révèlent une autre réalité: celle de pertes matérielles considérables, d’un sentiment d’injustice et d’un avenir incertain.

Dès les premières heures de la matinée, les bulldozers ont investi la plage Russia, détruisant tous les bâtiments qui s’y trouvaient sous le regard impuissant des occupants. Encadrée par les autorités communales et les forces de l’ordre, l’opération a mis fin à plus de dix ans d’activités socio-économiques menées par des jeunes de Gbessia Port 1.
Ce site, autrefois laissé à l’abandon, avait été réhabilité par la jeunesse locale pour en faire un espace de loisirs et de revenus. Aujourd’hui, les structures sont réduites en poussières et gravats, et les acteurs du projet se retrouvent sans ressources.
Mohamed Lamine Camara, l’un des responsables du site, a exprimé sa colère : « Il y avait ici une petite plage non aménagée, que la jeunesse a réhabilitée avec ses propres moyens. Mais récemment, la DATU nous a demandé de quitter les lieux sous 72 heures, sans aucune communication sur le projet prévu. Nous ne sommes pas contre la décision de l’État, mais il faut respecter les règles d’expropriation pour cause d’utilité publique, notamment l’indemnisation préalable » a-t-il fait savoir.
Il rappelle que plusieurs jeunes ont investi des millions de francs guinéens pour créer des emplois et lutter contre la délinquance. Il appelle à un accompagnement de l’État. Mamadouba Soumah, alias AKB, président de la jeunesse de Gbessia et initiateur de la réhabilitation, se dit dévasté: « C’est ici que nous gagnons notre pain quotidien. Ce lieu existe depuis 2011. Nous avons même empêché sa vente grâce au soutien de l’ancien maire de Matoto, Mamadouba Toss Camara.
Aujourd’hui, on nous chasse sans alternative. » Oumar Bayo, jeune à mobilité réduite, évoque une perte estimée à 22 millions de francs guinéens: « Depuis le décès de mes parents, j’ai investi dans une salle de jeux PlayStation pour nourrir ma famille.
Tout a été détruit. Nous ne contestons pas la décision de l’État, mais nous voulons simplement récupérer ce que nous avons investi. » Présent sur les lieux, le président de la délégation spéciale de la commune de Gbessia n’a pas souhaité répondre aux questions des journalistes.
À ce jour, aucune communication officielle n’a été faite sur les projets prévus pour le site. Selon les déguerpis, la plage Russia jouait un rôle crucial dans la réinsertion des jeunes et la réduction de la délinquance dans une zone autrefois réputée dangereuse. Son démantèlement brutal soulève des interrogations sur la stratégie de développement urbain et les priorités sociales de l’État.