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Un policier qui prêche dans les mosquées viole les principes de neutralité et de laïcité (Juriste Kalil Camara)

Certains agents en uniforme prêchent dans les lieux de culte en République de Guinée. Le jour de la fête de Tabaski 6 juin 2025, un agent en uniforme prêchait dans un lieu de prière dans le quartier de Yataya.

Un autre gendarme dans son uniforme s’est fait remarquer dans une vidéo en train de faire des sermons dans une mosquée.Cette pratique soulève les questions liées à la liberté de culte, au devoir de neutralité des agents publics et au principe de laïcité de l’État.

I- Liberté de culte, Des instruments juridiques nationaux et internationaux consacrent la liberté de culte. Sur le plan international, l’article 18 de la déclaration universelle des droits de l’homme énonce que : « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion…»

Sur le plan national, c’est dans le même esprit que l’article 23 de la charte de la transition dispose « Les libertés d’opinion, d’expression, de conscience et de culte sont garanties. Les conditions de leur exercice sont déterminées par la loi.»

Au regard de ces textes, toute personne est libre d’appartenir ou non à une religion, libre d’exprimer ses opinions religieuses ou philosophiques. Concernant les agents publics, ils jouissent du même droit, qu’il soit policier, gendarme, militaire ou fonctionnaire.

Les devoirs énoncés par les statuts particuliers des agents publics, notamment la loi 027 portant statut des agents de l’État, la loi 044 portant statut spécial de la police nationale, la loi 0031 relative à l’organisation et au fonctionnement des forces de défense dont les armées et la gendarmerie, ne méconnaissent pas le droit à liberté de culte ou de religion. Cependant, il est important de rappeler que la liberté de culte n’est pas sans limite. C’est pourquoi l’article 23 de la charte de la transition indique in fine : « Les conditions de leur exercice sont déterminées par la loi.»

C’est-à-dire que les conditions d’exercice de la liberté d’opinion, d’expression, de conscience et de culte sont déterminées par la loi. C’est ainsi que dans l’exercice du service public dont ils sont chargés, les agents publics qu’il soient fonctionnaires, policiers, gendarmes ou militaires sont soumis à des obligations générales posées par la loi, dont le manquement entraîne des sanctions. L’une de ces obligations est le devoir de neutralité.

II-Devoir de neutralité de l’agent public Le devoir de neutralité est imposé à tout agent public. C’est-à-dire toute personne chargée d’une mission de service public fonctionnaire, magistrat, policier ou gendarme. La loi 0026 portant code de conduite de l’agent public exige le respect de ce devoir par tout agent public. L’article 9 al 3 de ce texte dispose que des valeurs d’éthiques chez l’agent public repose en l’occurrence sur : « L’impartialité, l’équité et la neutralité. »

a) Dans l’exercice ou l’occasion de l’exercice du service public La neutralité exige que l’agent public ne manifeste pas ses convictions religieuses dans l’exercice de ses fonctions. Il ne doit pas non plus faire prévaloir sa préférence pour une religion. Ainsi, tout insigne pouvant déterminer l’appartenance d’un agent public à une religion est interdit.

b) En dehors du service public Conformément aux textes cités ci-haut, l’agent public a le droit de manifester ses convictions religieuses. Donc tout agent public peut librement appartenir ou non à une religion et exprimer ses convictions dans ce sens comme prêcher dans une mosquée. Mais dans la limite des principes de neutralité et de laïcité dont l’État a l’obligation de garantir.Il est difficile de démêler si le policier ou le gendarme en uniforme prêchant dans les mosquées est dans l’exercice, à l’occasion de l’exercice ou en dehors de l’exercice de sa fonction. En tout état de cause, l’article 32 al 2 du statut spécial de la police prévoit clairement que : « les fonctionnaires de la police ne peuvent prendre la parole en public que pour l’exécution du service ou avec l’autorisation du Ministre en charge de la Police nationale.»

Prêcher est une prise de parole en public. Un policier ne peut le faire que dans l’exercice du service. Ce qui vient à conclure que le policier ne peut prêcher.

III- Principe de laïcitéSelon l’article 3 de la charte de la transition : « La Guinée est une république unitaire et indivisible, souveraine et laïque.»

Le principe de laïcité suppose que l’État reconnaît toutes les croyances, mais il reste neutre entre les religions. Ceci dit, il ne doit manifester aucune préférence pour une religion. Alors qu’un policier ou un gendarme en uniforme représente, en toute circonstance, l’État. Par son uniforme, il incarne les symboles de l’État. Dès lors, en faisant des sermons dans une mosquées avec son uniforme, le policier ou le gendarme confond l’État et sa religion.

D’ailleurs, lors des prières, ces agents se servent de cette uniforme pour séduire leurs coreligionnaires et recevoir des dons. Or toute situation d’interférence entre l’intérêt public et l’intérêt personnel doit être écartée. L’intérêt public tient au principe de laïcité et l’intérêt personnel de l’agent se rapporte à sa croyance. Il faut les dissocier. La problématique de laïcité se pose lorsque l’agent est vêtu d’une uniforme de la police ou de la gendarmerie qui sont des services publiques, pour faire des sermons dans une mosquée, alors qu’il incarne l’État dans cette uniforme. Nous pouvons conclure en disant qu’il n’est pas interdit à un policier ou à un gendarme d’appartenir à une religion et d’exprimer ses convictions religieuses ( liberté de culte).

Par contre, il est contraire aux principes de neutralité et de laïcité de se vêtir en uniforme (symbole de l’Etat) pour prêcher dans les lieux de culte.

Kalil Camara, Juriste

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