France : l'espoir de la régularisation pour les sans-papiers

France : l’espoir de la régularisation pour les sans-papiers

Sa carrure musculeuse n’aide pas : Moussa (prénom modifié) voudrait passer inaperçu. Du moins pour l’instant. Car le Malien, qui travaille clandestinement en France depuis cinq ans, s’apprête à jouer son avenir à « quitte ou double », en demandant sa régularisation.

Quelques minutes plus tôt, en ce jeudi matin de la fin novembre, il s’est engouffré dans un local de la CGT à Bobigny (Seine-Saint-Denis), mêlé aux silhouettes d’une centaine d’autres travailleurs sans-papiers, accompagnés dans leurs démarches par le syndicat.

Ils sont maçons, cuisiniers, agents d’entretien… Tous répondent aux critères de régularisation du gouvernement français, qui veut créer un titre de séjour « métier en tension » dans les secteurs qui manquent de bras, à la faveur de son projet de loi sur l’immigration.

« J’attends ça de pied ferme, c’est ce qu’il faut. On est là, mais cachés, donc autant nous régulariser, faire les choses bien, qu’on puisse cotiser », explique le jeune homme de 30 ans, chef d’équipe dans la propreté.

Comme beaucoup, Moussa, qui dirige « une cinquantaine de personnes », travaille sous « alias », avec l’identité d’une autre personne. Son employeur l’ignore.

« Aujourd’hui, ma vie est bloquée, je ne peux pas avoir mon propre appartement, être autonome et je dois faire attention pour éviter qu’on découvre ma vraie identité. Ça met en tension permanente. Quand je vais en parler au patron, ce sera quitte ou double. Soit il m’aide, soit je perds mon travail », anticipe-t-il.

Avec cette carte de séjour, le gouvernement français « a fait la moitié du chemin », mais plusieurs écueils demeurent, estime Jean-Albert Guidou, qui pilote le collectif immigration de la CGT. « D’abord, il faudrait changer la liste » des métiers en tension, obsolète, un sujet sur lequel le ministère du Travail planche depuis novembre. Ensuite, « que se passe-t-il quand le métier n’est plus en tension », interroge le syndicaliste, qui dénonce « l’exploitation » de ces travailleurs et réclame « la fin de l’hypocrisie ».

Sans cette main d’œuvre, poursuit-il, « les poubelles ne seraient pas vidées, il n’y aurait pas de cuisiniers dans les restaurants et pas d’ouvriers sur les chantiers ».

Djibril (prénom modifié), poissonnier sur le marché de Rungis, préfère en rire : « C’est sûr qu’il n’y a pas beaucoup de Français qui veulent mon travail ». Les horaires ? 21h-5h du matin, après quoi il faut errer en attendant les premiers transports en commun, faute de pouvoir passer le permis de conduire.

Blouson des Lakers sur le dos, cet autre Malien de 26 ans sort d’une pochette plastique ses 18 fiches de paie, établies au nom d’un « cousin ». Insuffisant pour que le dossier soit envoyé en préfecture, regrette un bénévole qui le reçoit.

Le poissonnier voit d’un bon œil une autre mesure présentée par le gouvernement : permettre aux travailleurs de solliciter eux-mêmes leur régularisation, sans passer par l’employeur, pour casser certaines dérives.

Autant de promesses auxquelles Zeid Touré ne « croi(t) pas ». L’Ivoirien de 37 ans vient d’être mis à pied par son entreprise – il nettoyait l’hôpital de Montreuil -, qui a découvert que sa carte de séjour, achetée dans le quartier populaire de Barbès, était une fausse.

« Les entreprises font ce qu’elles veulent. Elles se servent des sans-papiers tant que ça les arrange et ensuite elles nous virent. Il y a d’autres sans-papiers qui travaillent (pour la même entreprise, NDLR), eux on les garde », croit savoir le père de trois enfants nés en France, sous le coup d’une procédure d’expulsion.

« C’est hypocrite », juge lui aussi Djiberou, Malien de 51 ans qui manifestait fin novembre devant la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), en banlieue parisienne, pour réclamer une vague de régularisation.

Un scénario que le gouvernement a écarté, répétant que la carte de séjour « métier en tension » relèverait d’un examen individuel mais pas d’une « régularisation massive » dénoncée à droite et à l’extrême droite.

En attendant, grogne Djiberou, agent d’entretien depuis trois ans, « tout le monde sait qu’on est là, qu’on travaille, le seul résultat c’est que je vis dans un foyer sans aucun droit ».

Sollicitée, la CPME n’a pas donné suite, mais les manifestants reçus dans ses locaux ont rapporté un « intérêt » du patronat pour la mesure gouvernementale.

S’il obtient sa régularisation, Moussa, lui, sait déjà ce qu’il fera : aider les agents de propreté sans-papiers de son équipe. « Et je suis sûr qu’il y en a plein. »

AFP

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