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Législation guinéenne : des infractions envers les personnes atteintes d’albinisme en Guinée (Par Mamadou Alioune DRAME)

Le terme albinisme dérive du mot latin « albus » qui signifie blanc. L’albinisme est une maladie génétique caractérisée par une production insuffisante du pigment qui colore la peau, les yeux, les poils et les cheveux. En Afrique, cette maladie suscite de nombreux fantasmes et de surtout de fausses superstitions avec pour conséquences, la persécution, le viol et l’enlèvement de fillettes albinos (des hommes atteints du SIDA croyant qu’avoir des relations sexuelles avec une personne atteinte d’albinisme pourrait guérir de la maladie), les blessures volontaires, le meurtre ou l’assassinat des albinos, quoique dans plusieurs pays les gouvernements engagent des poursuites judiciaires pour essayer d’endiguer ce phénomène.

Dans son livre autobiographique « Je ne suis pas un Talisman », Bibiana Mbushi, une fillette tanzanienne albinos de sept ans, démembrée chez son oncle en 2007, dont l’histoire a fait le tour du monde et qu’elle nous raconte dans ce livre déclare : « Je suis un mauvais sort. […] Rends-moi riche. […] ça ne me plaît pas de vous déballer toutes ces horreurs sur ma vie […], mais les stigmates sur mon corps susciteront toujours la curiosité : cette jambe qui n’est plus là, ainsi que ces deux phalanges du majeur et de l’annulaire de ma main droite qui ont disparu. Je n’ai qu’un souhait, tourner la page, aller de l’avant. Cependant une pensée m’obsède, j’ignore encore comment les êtres humains sont capables de faire tant de mal à d’autres êtres humains ».

Les causes profondes de ces infractions contre les personnes atteintes d’albinisme

En effet, les sorciers et féticheurs encouragent l’assassinat des albinos afin d’utiliser la peau, les cheveux ou les os des victimes pour confectionner des potions de tous genres pour rendre riche, pour avoir le pouvoir, pour conquérir une jeune fille ou femme (Bébé albinos de 18 mois violemment mutilé afin de récolter son sang et fabriquer des élixirs dans le nord de la Tanzanie ses bras et jambes ont été amputés, article Le Monde, 18 février 2015).
En Guinée, de nombreuses infractions sont commises à l’encontre de ces personnes atteintes d’albinisme. Il en est ainsi, par exemple, du corps sans vie d’une personne atteinte d’albinisme retrouvé dans le quartier Carrière, dans la commune de Matam, avec des yeux manquants ou encore, en 2010, au marché de Matoto, où le corps d’une autre personne atteinte d’albinisme a été retrouvé complètement démembré. C’est aussi le cas de cette tentative d’enlèvement d’une gamine de 4 ans atteinte d’albinisme à Kindia, dans la commune rurale de Damankanya, dans le district de Sinaya au Yabara, en Guinée, aux fins de pratiques rituelles. Deux des quatre personnes ayant tenté de commettre cet enlèvement ont été arrêtées par les services de la gendarmerie territoriale de Kindia et poursuivies pour trafic de personnes atteintes d’albinisme et jugées par le tribunal de première instance de Kindia.
Les personnes atteintes d’albinisme sont considérées comme des sorciers, des êtres surnaturels, des êtres mystiques, pouvant apporter du bien comme du mal. Le regard du monde qui les entoure est celui d’exclusion, de mépris, de railleries au point qu’elles ont des difficultés pour leur insertion socioprofessionnelle dans la société malgré leurs compétences dans tel ou tel domaine. Elles sont l’objet de toutes formes de violence et de discrimination. Des associations de défense des personnes atteintes d’albinisme existent en Guinée (il en est ainsi par exemple de la Fondation pour le Secours et l’Intégration Sociale des Albinos (FONDASIA) et le l’Union pour le Bien-Etre des Albinos de Guinée (UBEAG) mais sans un encadrement de la part de l’Etat et un appui matériel et financier conséquent, les difficultés de cette couche sociale vont toujours demeurées au point de pousser les enfants à mendier dans les rues. Le gouvernement guinéen a compris cette nécessité impérieuse en faisant voter une loi ordinaire L/ 2021/0016/AN du 30 avril 2021, portant protection et promotion des droits des personnes atteintes d’albinisme en République de Guinée, promulguée par le décret D/2021/126/PRG/SGG du 1 8 mai 2021. Une première dans le monde !
Cette loi vise ainsi à, non seulement, attirer l’attention sur le trafic d’organes et crimes rituels dont sont victimes les personnes atteintes d’albinisme par des associations de protection des personnes atteintes d’albinisme afin de promouvoir l’image et l’épanouissement de ces personnes, l’entraide, la solidarité, l’assistance, mais aussi, pour promouvoir leur développement et leur protection sociale, urbaine ou locale, leur droit à la santé, à l’éducation et à l’emploi, etc.


En Afrique, les personnes atteintes d’albinisme, font également l’objet d’infractions les plus graves. Il en est ainsi, par exemple au Mali où une petite fille albinos de cinq ans a été enlevée, éventrée et décapitée en mai 2018 pour des pratiques rituelles à l’approche de l’élection présidentielle. Son corps décapité avait été retrouvé quelques heures plus tard à côté d’une mosquée. La légende de la musique africaine, le chanteur Salif KEITA, lui-même albinos, entouré du Sénégalais Ismaël Lô, de l’artiste géorgien albinos Bera, de l’humoriste malien Yaro ou encore des chanteuses Safi Diabaté, malienne et Maah Koudia Keïta, sénégalaise, militante elle aussi de la cause des personnes albinos, a rendu hommage à cette victime dans son dernier album « Un autre blanc ». « Pourquoi ôter la vie d’une innocente, d’une fillette de cinq ans ? Pourquoi s’attaquer aux albinos ? Nous sommes comme tous les autres humains. Nous ne voulons plus voir ça au Mali. Il faut que nos autorités prennent des dispositions, parce que désormais, nous n’allons plus nous taire » a dit sur scène Salif Keïta.

La répression des infractions commises envers les personnes atteintes d’albinisme

Les personnes atteintes d’albinisme sont classées dans la catégorie des « personnes vulnérables ». C’est pour cette raison que le législateur guinéen se montre très sévère pour toute infraction commise envers elles.

Sans que cette liste ne soit exhaustive, citons, par exemple :

  • En cas de crime contre l’humanité (article 194 du Code pénal) lorsque la persécution est en fonction de critères universellement reconnus comme inadmissibles en droit international, la peine est celle de la réclusion criminelle à perpétuité ;
  • En cas de meurtre sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur (article 209 du Code pénal), la peine est celle de la réclusion criminelle à perpétuité ;
  • En cas d’empoisonnement d’une personne vulnérable (article 210 du Code pénal), la peine est celle de la réclusion criminelle à perpétuité ;
  • En cas de torture, la peine est celle de 5 à 20 ans de réclusion criminelle (article 234 du Code pénal), si l’acte de torture a été commis sur une personne particulièrement vulnérable, en raison de son âge, d’une maladie, d’une infirmité, d’une déficience physique ou mentale ;
  • En cas de viol, lorsqu’il est commis sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou mentale, ou à un état de grossesse apparente ou connue de l’auteur (article 268 du Code pénal), la peine est celle de la réclusion criminelle de 10 à 20 ans ;
  • En cas d’harcèlement sexuel, la peine est celle d’un emprisonnement de 2 ans et d’une amende de 2.000.000 de francs guinéens lorsque les faits sont commis sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou mentale ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de leur auteur. Il en est de même lorsque l’infraction est commise sur une personne dont la particulière vulnérabilité ou dépendance résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale est apparente ou connue de leur auteur (article 277 du Code pénal), etc.

Par Mamadou Alioune DRAME
Ancien Magistrat
Président de l’Association « guinéejuristes »

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